Qui n’a jamais rêvé de comprendre les animaux ? La faune fascine et, depuis très longtemps, l’Homme cherche à décoder le comportement des bêtes. Comment interagissent-elles ? Ont-elles des comportements similaires aux nôtres ? L’arrivée de nouveaux outils numériques intelligents pourrait permettre aux scientifiques d’extraire de nouvelles données et d’approfondir leurs recherches.
Le comportement animal demeure une énigme pour les humains. Même s’il est possible de déceler plusieurs signaux, notamment chez les animaux domestiques, nous sommes loin de connaître la faune. Qu’il s’agisse de leur communication, leur sociabilité ou de leur rythme de vie (hibernation, migration…), les études sont rares et coûteuses, avec souvent de petits échantillons d’analyse. Et si les nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle, nous permettaient de réaliser des études plus poussées ?
On sait désormais que les chiens, les singes ou encore les perroquets peuvent identifier et comprendre certains sons émis par les humains. Cependant, il n’existe actuellement aucun langage ou outil permettant de communiquer avec les animaux. Pour autant, serait-il possible de les comprendre à travers leur attitude ?
Les bêtes disposent de signaux propres pour communiquer entre elles. A ce sujet, les scientifiques disposent déjà de quelques données : nous savons par exemple que les espèces échangent à travers des sons, des vibrations ou encore en émettant des phéromones. Mais que disent-ils exactement ?
Une étude menée par l’Université du Delaware a souhaité creuser le sujet du langage animal. Les expériences portent sur des groupes de souris : une sélection de rongeurs ont été observés pendant plusieurs heures, avec des enregistrements sonores et vidéos ultra précis.
Afin de traiter les images et les quelques 250 000 échantillons sonores recueillis, les chercheurs ont élaboré des programmes capables d’analyser les sons produits par les souris. L’équipe a utilisé une intelligence artificielle à apprentissage automatique (machine learning) afin d’identifier quand et dans quelles circonstances un rongeur émet un son. Il s’agit de mettre en évidence si les bruits varient lorsqu’une souris se sent menacée, se comporte avec agressivité, souhaite manger, etc.
« Pour donner un sens à cette montagne de données, nous avons écrit de nombreux programmes informatiques […] Tout le monde dans le laboratoire écrit maintenant du code et c’est un énorme attribut de ce que fait mon laboratoire. Je pense que c’est essentiel pour déchiffrer un comportement très complexe. » précise Joshua Neunuebel, l’un des neuroscientifiques qui a travaillé sur le projet, au média Digital Trends.
En effet, nombreux sont les laboratoires qui ont recours et se forment à l’intelligence artificielle. Grâce à la puissance de ses algorithmes, elle mémorise les données et les associe à une situation précise. Le programme de l’Université du Delaware est ainsi capable de déterminer si une souris s’apprête à chasser d’après ses cris.
L’intelligence artificielle est étroitement liée à la fibre optique qui, elle, permet la circulation de ces informations à une vitesse record. Elle va également permettre aux algorithmes d’avoir une analyse plus performante, en raison de sa puissance. Les deux technologies sont en parfaite synergie pour traiter les données collectées par les microphones et caméras.
Bien que ces sons ne puissent être traduits dans une langue, l’expérience a pour objectif d’analyser les comportements sociaux des souris. A terme, ces recherches pourront aussi nous aider à en savoir plus sur les circuits cérébraux humains, qui sont à 98% semblables à ceux des souris. Il s’agirait notamment d’approfondir nos connaissances sur des troubles comme l’autisme.
Les données collectées et traitées par les nouvelles technologies permettent de faire avancer notre connaissance de la faune. Alors qu’elles nous apprennent à comprendre le comportement animalier, elles pourraient également servir de levier pour améliorer la protection animale.
Les outils permettant de capter les espèces sont de plus en plus performants. Grâce à leur usage, les biologistes récoltent des données plus précises, les aidant à affiner leurs théories.
Une équipe de chercheurs canadiens a récemment eu recours à des logiciels de reconnaissance faciale pour observer les grizzlis au Nord des Etats-Unis et au Canada. Baptisé BearID, le projet a pour but de suivre ces populations appartenant à la famille des ours bruns, menacés d’extinction dans certaines régions du continent nord-americain.
Pendant de nombreuses années, les chercheurs ont étudié un moyen simple de reconnaître les grizzlis. Une espèce particulièrement difficile à identifier de manière individuelle. Contrairement aux animaux présentant des tâches ou des rayures, ces ours ne disposent pas de caractéristiques différentes très visibles. Par ailleurs, leur poids, variable en fonction des saisons, n’en fait pas un critère d’identification fiable. Les scientifiques se sont alors orientés vers un algorithme de vision par ordinateur qui s’inspire de la reconnaissance faciale humaine. Avec une base de près de 4700 photos, une intelligence artificielle à apprentissage automatique est désormais capable de repérer un individu en se fiant à ses yeux, son museau, ses oreilles ainsi qu’au sommet du front.
Les technologies numériques permettent ainsi de capter de manière quasi instantanée des éléments difficilement identifiables à l’œil nu. Toujours en phase de développement, BearID serait capable de reconnaître les grizzlis avec 84% de précision.
En pouvant repérer individuellement chaque mammifère, les chercheurs pourront identifier les migrations des ours et permettre de mieux comprendre leur comportement. Les attitudes inhabituelles seront-elles aussi reportées dans les rapports des chercheurs : ces perturbations feront l’objet d’une enquête, avec si nécessaire un plan d’action visant à lutter contre les menaces.
Les grizzlis ne sont d’ailleurs pas les seules populations animales en déclin. À l’heure où de plus en plus d’espèces animales sont menacées de disparition, les scientifiques sont en première ligne pour tenter de ralentir ce schéma. Mais avant d’agir, ils doivent élaborer des rapports d’analyse.
Les scientifiques du Laboratoire de mesure et d’analyse des mouvements de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur de l’EPFL (LMAM) et du Population Ecology Research Group de l’Université de Zurich ont récemment mené un projet sur les suricates. Près d’une dizaine d’animaux a été équipée d’un collier à capteurs ultra-sensibles, avant d’être filmée pendant plusieurs heures. Cette méthodologie permet d’analyser avec précision la posture, la périodicité ou encore l’intensité des mouvements.
Les données collectées sont ensuite traitées par une intelligence artificielle pour associer chaque mouvement de l’animal à un comportement. Les chercheurs peuvent ainsi déterminer si les suricates s’adonnent au repos, à la course, à la recherche de nourriture ou à la vigilance. Les légères variations des comportements, uniquement détectées par l’intelligence artificielle, vont permettre de comprendre le rôle de l’homme et d’autres menaces sur le quotidien des suricates. « L’activité humaine a un impact de plus en plus important et rapide sur les comportements des animaux », confie Pritish Chakravarty, doctorant au LMAM. « En comprenant comment ils changent face aux stimuli externes, cela peut permettre de prendre des mesures plus adaptées pour les protéger ». Les lieux riches en nourriture pourraient, par exemple, être définis comme zones protégées pour assurer la pérennité de l’espèce. Plus globalement, les chercheurs sont convaincus que l’ensemble des facteurs étudiés amélioreront, in fine, les conditions de vie des animaux.
Si aucun moyen ne nous permet de communiquer avec les bêtes, il est néanmoins possible de les comprendre à travers leur comportement. La fibre optique nous permet de constituer d’immense bases de données, traitées ensuite par des intelligences artificielles. Grâce à ces algorithmes à apprentissage automatique, les scientifiques aboutissent à des analyses plus précises. Ces révélations sur la faune agissent pour la protection des espèces et leur bien-être : un enjeu éthique et environnemental qui occupe de plus en plus de place dans la société.
Charlotte B.